Nord-kivu : « Les maisons carcérales sentent l’odeur de la mort » (société civile)
Les conditions de détention dans différentes prisons de la province du Nord-Kivu demeurent déplorables, cela malgré multiples alertes des défenseurs des droits humains et acteurs de la société civile.
Un monitoring a été mené dans les prisons de Walikale, Masisi et Munzenze de Goma de Janvier à septembre par cinq organisations de la société civile, un constat amer est ressorti des résultats de ces travaux d’enquête entrepris par FDAPID, HAKI ZANGU, ADK/DDH, HTP et BEDEWA.
Selon les propos de Vicar BATUNDI, coordinateur de l’ONG FDAPID et point focal de ces organisations, c’est inacceptable et anormal de voir qu’au Nord-Kivu les prisons deviennent des mouroirs, en lieu et place des établissements de rééducation: « les detenus obtiennent difficilement un repas par jour, et celui-ci n’est pas équilibré. Il est même arrivé un moment où dans la prison de Masisi, les detenus broutaient les herbes comme des chèvres par manque de la ration alimentaire. Les installations sanitaires n’existent presque pas, et là où elles existent, les détenus sont obligés d’évacuer les matières fécales à mains nues, ce qui les expose à des maladies de la peau. C’est donc inacceptable que les gens soient arrêtés pour mourir en prison alors que la prison devrait être considérée comme une grande université du monde où les gens doivent être rééduqués, afin qu’ils ne puissent plus commettre des infarctions qu’ils auraient commis avant » se plaint Vicar Batundi.
Le rapport rendu public par ces organisations, révèle également que la grande majorité des personnes détenues dans les prisons ayant fait objet de l’enquête, le sont sans qu’aucun jugement ne soit rendu en leur défaveur : « Imaginez lorsqu’on arrête les gens, ils passent plus d’une année dans des prisons sans procès, et dans des conditions inhumaines. Nous avons répertorié beaucoup de cas des tuberculés et des diabetiques dans des prisons, et qui ne bénéficient d’aucune prise en charge médicale. » Souligne le défenseur des droits de l’homme Vicar Batundi.
En plus des violations des droits humains observées, le surpeuplement des prisons constitue également un souci majeur dans la province, comme le souligne le rapport : « les conditions carcerales sont dramatiques parce que d’abord, pour le cas de la prison centrale Munzenze de Goma par exemple, elle avait été construite pour accueillir 300 personnes seulement, mais aujourd’hui nous y avons plus de 3600 personnes. La prison de Walikale qui a une capacité d’accueil de 60 personnes, héberge en ces jours plus de 180 personnes. Pour Masisi c’est un peu léger, parce qu’au moins là on retrouve aujourd’hui 77 détenus. »
La situation des détenus sans procès fait aussi largement parler dans ce rapport, qui révèle que: « Pour le cas par exemple de Munzenze seulement 19% des détenus sont condamnés, et tous les autres sont des prevenus dont parmi eux il y a ceux qui ont déjà passé plus d’une année sans connaître des procès. Pour le cas de Walikale, il y a seulement 12 condamnés ce qui represente 6,3% et pour la prison de Masisi c’est 1 condamnés soit 1,07%; une réalité inacceptable parce que normalement la prison est faite pour heberger les personnes condamnées, mais lorsque elle devient une habitation des prévenus, c’est tout un problème » a déclaré Vicar Batundi.
Dans ce même rapport du monitoring, dépuis le mois de Janvier jusqu’au 7 Septembre 2023, 80 personnes mortes dans ces 3 prisons dont 24 dans la prison de Goma, 19 dans la prison de Walikale et 43 dans la prison de Masisi.
Vital Matafula et Laurence Muhira