Etat de siège : une pilule de plus en plus amère pour plusieurs au Nord-Kivu
Le 6 mai 2021, l’état de siège était instauré en Ituri et au Nord-Kivu, deux provinces de l’Est de la République démocratique du Congo en proie à d’interminables violences. C’est après une décision du Président de la République dans une ordonnance lu à la chaine nationale. Dans les deux villes, c’était l’enthousiasme et une liesse populaire aux aéroports de Bunia et de Goma pour recevoir les nouvelles autorités militaires. Près de trois mois après, la méfiance s’installe de plus en plus entre l’administration de l’Etat de siège et plusieurs leaders. Le cas de la province du Nord-Kivu.
Dans sa publication du 22 juillet intitulé : « État de siège ou dysfonctionnement de l’État au Nord-Kivu », le Groupe d’Etude sur le Congo estime que « La relation entre le nouvel exécutif et les animateurs suspendus des provinces n’est pas non plus régulée. Les responsables militaires, tous issus d’autres provinces et parfois sans grande connaissance des milieux où ils sont affectés, ont la liberté de consulter ou non ceux qu’ils remplacent temporairement, et qui devront normalement reprendre la direction de leurs entités respectives à la fin de l’état de siège. Le gouverneur suspendu du Nord-Kivu est réduit à un rôle passif d’un « simple notable » de la province. Les députés provinciaux suspendus, eux, désormais privés de leurs immunités de poursuite, se montrent plus prudents».
Ces députés provinciaux sont sortis de leur silence.
Dans une lettre ouverte au Président de la République, signée par 17 élus provinciaux, ils dénoncent leur déconsidération dans ce processus et un complot contre leurs personnes par Kinshasa : « Au regard des propos discourtois, humiliants et dégradants tenus à l’égard des députés provinciaux par le gouverneur militaire, celui-ci semble être venu avec des lourds préjugés et présomption selon lesquels les notabilités et couches sociales du Nord-Kivu seraient impliquées dans la déstabilisation. Et le gouverneur, et le président du Sénat, et le premier ministre et le président de la République, aucune autorité n’a reçu les députés malgré leurs multiples demandes. Tout porte à croire qu’il y aurait un complot contre les députés provinciaux du Nord-Kivu », peut-on lire.
Le lieutenant-Général Constant NDIMA, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu aurait dit aux députés provinciaux : « Je vais vous tirer de vos carapaces, je vous reçois au même titre que les motards, je ne suis pas venu vous négocier, c’est d’ailleurs la dernière fois que je vous reçois», indiquent plusieurs indiscrétions parvenus à Tazama RDC.
Aucune réaction jusqu’ici de la part des autorités militaires ou des autorités à Kinshasa. Mais cela devrait renforcer le climat de méfiance entre le gouvernement central et plusieurs élus nationaux de la province du Nord-Kivu. Car des frustrations se lisent aussi de ce côté-là. Certains députés nationaux qui estiment que la chambre basse du parlement n’a pas été consulté.
Plusieurs élus au pays ne soutiennent presque plus, comme Ayobangira Sanvura qui appelle au « retour de l’administration civile et que les militaires se concentrent sur l’aspect militaire uniquement » pour plus d’efficacité. Même point de vue de Jean-Batiste Kasekwa, élu national de la ville de Goma.
Au cours d’une plénière tenue ce mardi 15 juin 2021 à l’Assemblée Nationale, les Députés ont refusé d’examiner la proposition de loi soumise par le gouvernement, en vue de lui conférer le pouvoir de prolonger l’état de siège. D’après les élus nationaux, conférer cette habilitation au gouvernement, serait ateriner une violation de la Constitution. Mais dans les couloirs du palais du peuple, les députés ne voulaient pas perdre le pouvoir sur l’Etat de siège. Ils veulent chaque fois renouveler l’Etat de siège et avoir la possibilité d’un jour le sursoir en cas de besoin. Un premier revers pour l’Union sacrée au sein de l’Assemblée nationale car la proposition venait du conseil des ministres présidé par Président de la République et autorité morale de cette coalition.
Dans une vidéo devenue virale, un des responsables des déclarants en province du Nord-Kivu a décrié la mainmise des nouvelles autorités « Nous avons un cas flagrant aujourd’hui. Cinq véhicules qui ont été pris en charge à Bunagana. Cette marchandise a été prise en charge pour être transférée à la douane de Goma avec le régime que nous appelons TR8 … pour être dédouanée à Goma où se trouve l’opérateur économique. Le déclarant en douane qui était chargé de cette marchandise-là a commencé à être inquiété par l’administrateur militaire de Rutshuru. L’administrateur a changé la destination de la marchandise vers le territoire de Rutshuru, c’est une violation grave en matière de douane».
« Ce n’est pas le moment de dire qu’il (Ndlr : l’Etat de siège) a réussi ou qu’il a échoué. C’est plutôt le moment de faire des recommandations et d’user du maximum de vigilance pour que l’Etat de siège ne détourne pas l’attention des gouvernants et commence à devenir autre chose», a dit pour sa part, le député national élu de Goma, Hubert Furuguta.
La rédaction