
Musée fantôme à Butembo : Le député Mbindule met la ministre de la Culture face à ses responsabilités
Un an après leur lancement, les travaux de construction du Musée National de Butembo sont à l’arrêt. En lieu et place d’un espace dédié à la mémoire collective et à la valorisation culturelle, la ville n’a hérité que d’un chantier déserté, exposé aux intempéries et à l’oubli. Le silence des autorités, lui, est assourdissant. Le lundi 28 avril, le député national Mbindule Mitono Crispin a brisé ce mutisme en adressant une question écrite particulièrement acérée à la ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine.
Dans une lettre officielle référencée 002/QE/DN/MMC/2025, le député interpelle le gouvernement sur l’inertie du projet : « Nous constatons avec une vive inquiétude que les travaux, pourtant lancés en août 2023, sont à l’arrêt depuis plus d’une année », écrit-il. À Butembo, dans le Nord-Kivu, les espoirs nés de cette initiative gouvernementale ont laissé place à la désillusion.
Un chantier désert, une population trahie
Le Musée National devait devenir un pilier de la vie culturelle régionale, un lieu de conservation, d’éducation et de rayonnement du patrimoine congolais. Mais le projet, confié à une entreprise dont le nom reste inconnu du public, est désormais synonyme de désengagement institutionnel.
« La population, qui attendait avec impatience l’achèvement de ce projet, est de plus en plus frustrée et déçue de constater l’absence de progrès », déplore Mbindule.
L’élu de Butembo s’inquiète également des conséquences matérielles de la suspension des travaux : « La détérioration du site et des matériaux déjà sur place, exposés aux intempéries, risque de compromettre l’intégrité du projet».
Huit questions pour briser l’opacité
Dans sa correspondance, le député Mbindule ne ménage pas la ministre. Il pose huit questions directes, exigeant transparence, responsabilité et engagement. Il interroge notamment :
L’identité de la société adjudicataire du marché ;
Les clauses contractuelles régissant la construction ;
Les garanties financières justifiant la démolition de l’ancien bâtiment ;
Les causes exactes de l’arrêt des travaux ;
Un calendrier officiel de reprise et de livraison ;
Les raisons de l’absence de communication gouvernementale ;
Les mesures prises pour garantir l’achèvement du chantier ;
Le sort réservé au patrimoine contenu dans l’ancienne bâtisse.
Au cœur de cette démarche parlementaire, une volonté nette : obtenir des réponses, contraindre l’exécutif à rendre des comptes et replacer la culture au centre des priorités nationales. « Il est inadmissible que l’État reste muet face à une population qui attend, observe et s’indigne », insiste le député.
Un test de crédibilité pour Kinshasa
L’affaire dépasse largement le périmètre d’un chantier abandonné. Elle questionne la capacité de l’État congolais à mener à terme ses projets structurants en dehors de Kinshasa. Elle met aussi en lumière l’inconstance des politiques culturelles dans un pays pourtant doté d’un patrimoine d’une richesse exceptionnelle.
En posant cet acte politique fort, Mbindule Mitono place la ministre de la Culture devant ses responsabilités. Dans une République qui peine à traduire ses ambitions culturelles en actes concrets, le dossier de Butembo pourrait devenir emblématique d’un malaise plus profond : celui d’un État qui parle culture mais n’en construit aucune.
Le message est clair : Butembo attend plus que des discours. Elle attend des fondations, des murs, une mémoire vivante. Et désormais, des réponses.
Azarias Mokonzi et Eugène Vomba