Tazama RDC

Centenaire du parc des Virunga : la nature, mais à quel prix ? », (Reportage)

Centenaire du parc des Virunga : la nature, mais à quel prix ? », (Reportage)

Le parc national des Virunga a réalisé ses 100 ans d’existence cette année. Un siècle d’histoire, de biodiversité protégée, de reconnaissance internationale. Mais sur les collines de Mayangose, dans la région de Beni, ce symbole de conservation ne rime plus avec espoir.

« Cent ans après, ce parc est devenu un poids pour nous », lance John Kambale Lwatsirene, rapporteur général de la coordination urbaine de la société civile de Beni. Dans son regard, la frustration d’un siècle d’incompréhensions. « Nos aïeux ont cédé leurs terres sans contrepartie. Aujourd’hui, leurs descendants sont arrêtés, emprisonnés à Kangbayi, simplement pour avoir cultivé à proximité du parc».

Dans les villages qui bordent la réserve, les récits de répression se multiplient. Cultures arrachées, limites floues, arrestations arbitraires. À Mayangose, Christophe, cultivateur depuis plus de vingt ans, se souvient avec émotion et douleur :
« Un matin, sans prévenir, les éco-gardes sont arrivés. Ils ont tout détruit : mes plantules de manioc, de cacao, mon espoir. J’ai senti ma vie s’effondrer. On m’accusait de cultiver dans le parc, mais personne ici ne sait où il commence ou se termine. On nous laisse dans l’ignorance, puis on nous punit».

Le flou qui entoure les délimitations alimente les tensions. Pour John Lwatsirene, « le parc des Virunga est devenu un État dans l’État. Les gestionnaires agissent comme des intouchables, en toute impunité».Il évoque une « guerre silencieuse » en train de naître, parallèle à celle qui ravage la région depuis des années.

Une conservation sans concertation

Au-delà des litiges fonciers, c’est l’absence de dialogue qui indigne les populations. Chérubin Kyana, étudiant en droit à l’Université officielle de Semuliki, appelle à une réforme structurelle. « Il faut vulgariser la loi sur la conservation. Les habitants ne sont pas des ennemis de la nature. S’ils sont informés, impliqués, ils peuvent devenir les meilleurs alliés du parc».

Mais sur le terrain, peu d’initiatives vont dans ce sens. La conservation reste perçue comme une politique descendante, imposée, rarement concertée. « On nous parle de préserver un rat ou un arbre, mais jamais de préserver nos vies, nos droits, nos cultures », s’indigne encore monsieur John Lwatsirene.

Un avenir à reconstruire ensemble

Les tensions ne se limitent pas à la terre ferme. Sur les rives du lac Édouard, la « frontière liquide » entre la RDC et l’Ouganda crée d’autres formes d’insécurité pour les pêcheurs congolais. Là encore, l’incertitude juridique et l’absence de coordination nourrissent les conflits.

Pour les riverains, les 100 ans du parc devraient marquer un tournant. « On ne rejette pas la conservation. Mais elle doit être humaine, équitable, partagée », plaide Chérubin Kyana. Et John Kambale d’ajouter : « La biodiversité ne peut pas être protégée contre les populations. Elle doit l’être avec elles».

À l’heure où le Parc national des Virunga rayonne sur la scène internationale, une partie de son avenir se joue à Beni, à Mayangose par exemple, dans les champs ravagés de Christophe. Là où la nature et l’humain doivent réapprendre à coexister.

Le Parc national des Virunga a été créé le 21 avril 1925.
Il s’agit du plus ancien parc national d’Afrique. À sa création, il portait le nom de Parc Albert (du nom du roi Albert Ier de Belgique), avant d’être rebaptisé Parc national des Virunga après l’indépendance du Congo. C’est la plus ancienne aire protégée d’Afrique. Situé à l’est de la République démocratique du Congo, il est classé patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979 et s’étend sur plus de 7 800 km².

Eugène Vomba

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