
Nord-Kivu : Les taxes payées en monnaie étrangère à Nobili, le franc congolais méconnu par la population
Le shilling ougandais domine le franc congolais dans la chefferie de Watanga, une entité située dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu, malgré l’interdiction de l’utilisation de cette monnaie sur le territoire congolais, alertent plusieurs sources locales. D’après Philémon Kachelewa, journaliste économiste interrogé par Tazamardc.net, ce samedi 16 novembre 2024, le shilling est la monnaie courante utilisée sur place ; la monnaie nationale, le franc congolais, est méconnue par la majorité des habitants de cette région. Les échanges commerciaux sur le territoire congolais et ougandais s’effectuent généralement en shilling, en violation de la loi. Cela impacte négativement l’économie congolaise, car tout ce qui est gagné par les nationaux l’est également par les Ougandais.
« Le shilling ougandais est la monnaie courante, le franc n’est pas connu ici. Si tu as des francs, tu passes ta journée sans manger. Cette situation est due à une économie extravertie », a déclaré Philémon Kachelewa, qui attribue ce phénomène à l’enclavement de la région, caractérisé par l’absence de routes. « Tout ce qui est gagné par les nationaux est gagné par les étrangers, car ils s’approvisionnent à l’étranger. Notre économie est tournée vers l’extérieur. Notre économie est fragilisée au profit de l’économie étrangère, c’est cela l’incidence. »
L’absence de souveraineté
À cause de l’utilisation de cette monnaie et de la méconnaissance de la monnaie nationale par la population, notre source estime que l’État congolais perd progressivement sa souveraineté. « La monnaie est l’un des signes de la souveraineté d’un État. Donc, à un certain niveau, l’État congolais a perdu l’un des éléments de sa souveraineté. La monnaie est méconnue par la population, qui fait malheureusement plus confiance à la monnaie étrangère qu’à sa propre monnaie, car le franc congolais ne circule même pas ici. Nous dépendons de l’économie étrangère, car tous les articles consommés ici nous proviennent de l’étranger. On ne produit rien ici, car les routes sont aussi enclavées. Les étrangers nous imposent leur monnaie », explique-t-il.
La dépendance des autorités au shilling
Il dénonce l’absence de changeurs de monnaie au niveau de la douane pour remédier à ce phénomène. Même les autorités locales utilisent la monnaie étrangère et, selon lui, c’est très grave, car même les taxes sont payées en monnaie étrangère, bien que converties en francs congolais sur les documents. « Les autorités dépendent également de cette monnaie. Elles font semblant de fixer leurs taxes en monnaie nationale, mais en cas de paiement, elles convertissent cela en monnaie étrangère. Les contribuables paient en monnaie étrangère, mais sur le papier, c’est indiqué en dollars ou en francs. C’est la monnaie étrangère qui circule ici au niveau local. Les taxes sont perçues en monnaie étrangère, c’est-à-dire en shilling, c’est insolite », a affirmé Philémon Kachelewa.
L’autorité territoriale déplore
Certaines mesures prises ne sont pas respectées par la population. Seuls les militaires utilisent le franc, mais avec des difficultés. Ils sont également obligés de convertir cela en monnaie ougandaise pour donner sa valeur sur le marché. L’administrateur du territoire de Beni, qui s’est rendu sur place vendredi 15 novembre 2024, a déploré ce phénomène légalisé. L’autorité territoriale a souligné que même les commerçants congolais refusent la monnaie congolaise. « Il est déplorable de constater que le shilling a une telle prévalence ici. Certains commerçants mal intentionnés refusent le franc congolais, c’est pourquoi j’ai pris le temps de venir ici », a indiqué le colonel Ehuta Omeonga Charles.
Cette situation traduit l’inefficacité de l’État congolais dans le contrôle effectif de son territoire et expose la population à une dépendance totale de l’étranger.
Azarias Mokonzi