Beni : Les dépendants de militaires abandonnés par l’État - Tazama RDC
Beni : Les dépendants de militaires abandonnés par l’État

Beni : Les dépendants de militaires abandonnés par l’État

Depuis la chute de Goma et de plusieurs localités environnantes aux mains du M23, la ville de Beni, devenue chef-lieu provisoire du Nord-Kivu, accueille un afflux massif de familles de militaires. Dépourvues de tout, elles y vivent dans des conditions dramatiques, entre l’oubli de l’État et l’indifférence générale.

Privées de ressources, de logement et d’assistance, bon nombre de ces familles dorment à la belle étoile. D’autres se réfugient dans des bâtiments publics comme ceux de la mairie ou de l’état-major de la Police nationale. À ce jour, aucun encadrement institutionnel n’est prévu pour leur venir en aide. Le calvaire se vit à ciel ouvert, dans une indifférence glaçante.

Selon un rapport de l’Association des Enfants des Soldats au Front pour la Paix, plus de 60 000 enfants de militaires et policiers vivent dans ces conditions à Beni. En majorité en âge scolaire, ils sont nombreux à ne pas fréquenter l’école. Certains vivent de mendicité ; d’autres, orphelins de père ou de mère, sont exposés à l’exploitation économique et au risque d’enrôlement dans les groupes armés.

« Nombreux sont ceux qui mendient dans les rues. Quelques-uns sont déjà utilisés dans des activités économiques informelles, au mépris de leur sécurité », alerte l’organisation, qui plaide pour leur cantonnement dans un site unique bénéficiant d’une prise en charge humanitaire et éducative.

Cet abandon suscite une onde d’indignation. Pour Fabrice Saambili, acteur politique local, « les familles de militaires, laissées à elles-mêmes, vivent dans une misère indigne. Veuves sans pension, orphelins sans avenir : c’est une honte pour un État qui prétend honorer ses soldats tombés au front. »

Il déplore l’absence de soutien moral, psychologique et financier pour les veuves et enfants des militaires. « On ne peut pas réclamer la loyauté du soldat et oublier sa famille dès que le cercueil est refermé », insiste-t-il, appelant à la mise en place d’un fonds spécial d’assistance et au paiement régulier des pensions des veuves.

Fabrice Saambili va plus loin : « Ce drame silencieux engendre de la misère, de la frustration et, à terme, une crise morale. Nous perdons non seulement des soldats, mais aussi leur descendance. » Il appelle à une révision des mécanismes administratifs qui freinent les décaissements et à une véritable politique de réinsertion scolaire et sociale pour les enfants des militaires.

Ce mutisme prolongé de l’État scandalise également Enock Kambale Syaikomya, citoyen de Beni. Il y voit une cause profonde de démotivation au sein des forces armées : « Comment un militaire peut-il se battre sereinement quand il sait que sa famille est livrée à elle-même ? Ce calvaire sape leur moral et affaiblit notre défense. »

Pour lui, l’État congolais doit « prendre des mesures urgentes, structurelles et humaines » face à cette crise. « Ce n’est pas seulement une question humanitaire, mais une question de sécurité nationale et de respect de la dignité humaine. »

Malgré les promesses sporadiques d’organisations humanitaires, les familles de militaires à Beni restent en marge de l’assistance. Elles vivent à quelques pas de leurs autorités, dans un abandon cruel qui interroge la conscience nationale.

Entre calvaire et oubli, ces familles rappellent au pays le prix du sacrifice, et l’impératif d’y répondre avec honneur, justice et solidarité.

Azarias Mokonzi

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