RDC : La province de l’Ituri, l’eldorado pour les exploitants miniers chinois
Pendant que la partie Est de la République Démocratique du Congo fait face à une situation d’insécurité permanente depuis des décennies, des millions des vies ont été détruites par des guerres qui ont aussi emporté avec elles l’espoir des Congolais de la région qui ne savent plus à quel saint se vouer car plongés dans une crise économique qui ne dit pas son nom. Pourtant réputée pour les potentialités de son sous-sol riche en matières premières, cette région du Grand Congo devrait compter sur ses richesses pour se relever du chao et ainsi se reconstruire. Malheureusement, les investisseurs étrangers qui ont pris en main presque tout le secteur minier que ce soit du Nord-Kivu, du Sud-Kivu ou même de la province de l’Ituri, ne laissent aucune chance aux nationaux de jouir de la richesse de leur pays.
Sur les cinq territoires que compte la province de l’Ituri, les expatriés asiatiques sont en grand nombre dans trois, dont Djugu, Mambasa et Irumu, car regorgeant d’énormes réserves de l’or, l’une des ressources les plus lucratives du pays.
Ils occupent d’énormes espaces à exploiter, la plupart de cas, sans même que les autorités coutumières ne soient notifiées officiellement de leurs présences dans ces entités.
Quand le chat n’est pas, les souris dansent
A l’absence de l’autorité de l’Etat, ces exploitants étrangers se comportent en maître du terrain et fixent même les règles du jeu comme bon les semblent. Ils décident sur quoi faire, quand et comment. De ce fait, en dépit de plusieurs tonnes d’or produites chaque année, ces chinois n’arrivent pas à répondre aux exigences signées dans les cahiers de charge avec les entités locales. Laissant ainsi les communautés de base et par extension l’Etat congolais, s’appauvrir davantage malgré toutes ses ressources naturelles stratégiques.
Destruction de l’environnement et des écosystèmes
Dans tous les trois territoires où se trouvent ces sujets chinois, on remarque sur plusieurs hectares de terre qu’ils exploitent, une destruction sans pareil de l’environnement et des écosystèmes. Ceci s’illustre par exemple par la sortie médiatique en septembre 2021, du député national Emmanuel Leku Apuobo, élu de Mambasa, qui estimait que :
« L’exploitation minière et des ressources naturelles par les sujets Chinois en territoire de Mambasa, ne profite pas aux populations riveraines, ajoutant que ces étrangers estimés à une centaine, détruisent systématiquement l’environnement de la région et l’Etat congolais a du mal à recouvrer ses droits. Les militaires sont détournés de leur mission en sécurisant des carrés miniers en violation de la loi », avait-il déclaré.
Intervenant le mardi 9 novembre 2021, dans une rencontre d’échange avec la coordination des panels d’accompagnement de la présidence de la République Démocratique du Congo à l’Union Africaine, dirigée par le Professeur Alphonse Ntumba LUABA, en visite en ville de Bunia, le President de l’Union Nationale des Associations Culturelles pour le Développement de l’Ituri (UNADI) Eyendu Bin EKWALE a déclaré que ces sujets chinois détruisent l’environnement mais aussi il fait savoir que la rivière ituri est déjà polluée par les intenses activités de ces derniers. La rivière Ituri est la plus grande en terme de sa longueur et traverse presque tous les territoires de cette province. Ceci veut insinuer qu’une fois polluée, alors les conséquences de cette action seraient catastrophiques pour la population de l’ensemble de l’Ituri.
En outre, les sociétés civiles de tous les territoires où s’exploitent le minerais d’or, ont déjà lancé leurs alertes sur la destruction systématique de l’environnement par des exploitants illégaux, constitués en grande partie par ces sujets chinois et d’autres étrangers.
Collaboration avec les groupes armés
Des études scientifiques prouvent qu’il y a une corrélation entre les violences en ituri et l’exploitation de minerais de l’or. Pierre Jacquemot par exemple, démontre dans son ouvrage intitulé Ressources minérales, armes et violences dans les Kivu (RDC), qu’il existe un lien causal direct entre le commerce des minerais et les conflits persistants dans les deux provinces du Kivu et de l’Ituri. Ces commerces nourrissent les achats d’armes et entretiennent les tensions, dans une économie certes frauduleuse mais très organisée.
Ensuite, d’habitude la garantie sécuritaire est le socle de tout entrepreneuriat dans n’importe quelle région du monde, à moins d’être de mèche avec les causeurs de l’insécurité. En Province de l’Ituri, des sujets chinois opèrent en majorité dans des endroits isolés et en proie aux exactions des groupes armés. En territoire de Djugu, nous pouvons citer la région minière de Banyali-kilo sous occupation de la milice dénommée Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO, en sigle). Dans cette région, nous avons remarqué au début de cette année (en Février 2021), la présence de plusieurs campements d’exploitation minière de chinois, visiblement avec un investissement conséquent, dont une vingtaine de machines excavatrices, sans comptabiliser le reste. Mais ils ne sont gardés qu’avec moins de dix militaires loyalistes. Nous trouvons qu’il est inexplicable qu’un tel investissement ne soit pas si bien protégé dans une zone sous influence d’un groupe armé. En dépit de ce qui précède, nous pensons pour leur sécurité, ces chinois coopéreraient bien avec des groupes armés et ce, avec une complicité possible de certains hauts dignitaires et hauts gradés de Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
Leurs présences inquiètent
Plusieurs acteurs politiques et associations des forces vives de l’Ituri, ont demandé une mission interministérielle pour tirer au claire la présence de ces sujets chinois dans la province. Malheureusement, ces appels restent jusqu’à ce jour des lettres mortes. Cette attitude du silence semble donner raison à l’opinion qui pense que même certaines personnalités au sein du gouvernement sont impliquées dans l’exploitation illégale de minerais en Ituri.
Nomination de points focaux chinois
Le Gouverneur militaire de l’Ituri, le Lieutenant Général Luboya Nkashama Johnny, avait appelé, au cours d’une réunion tenue le 18 septembre 2021 à Bunia, à l’intention des exploitants miniers chinois et congolais opérant en Ituri, de se conformer aux lois du pays, selon la nouvelle approche édictée par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi Tshilombo, imprimée par l’Exécutif provincial militaire. A en croire les intentions du Gouverneur militaire, nous pouvons dire qu’il s’inscrivait dans le respect du code minier car il a demandé, en outre, aux exploitants de travailler en collaboration avec la Division provinciale des Mines et de régulariser leur situation, pour se protéger.
Malheureusement, le Gouverneur a été peut-être induit en erreur en prenant sa décision de nommer certains sujets chinois comme points focaux, représentant tous leurs compatriotes travaillant pour la plupart en illégalité dans cette province.
Selon des experts dans le domaine minier et certains acteurs politiques, le Gouverneur militaire et son administration se sont montrés amateurs sur la maitrise de textes régissant le secteur minier en Ituri. Ainsi, des voix se sont levées pour exiger le retrait pur et simple de cette décision, que la majeure partie de l’opinion locale et nationale voyait une sorte de légitimation de l’exploitation illégale de minerais congolais par des sujets chinois.
Recadrage du ministère national des mines
Dans sa correspondance du 19 octobre 2021 adressée au Gouverneur militaire de l’Ituri, le ministère national des mines a appelé ce dernier à l’ordre et a déclaré que cette décision de la nomination est nulle et sans effet, tout en évoquant la raison ci-après :
« En ce moment où les efforts sont concentrés sur la lutte contre l’exploitation minière illicite, particulièrement par les sujets étrangers, je peine à comprendre le sens de votre démarche du fait qu’il existe une administration et des services spécialisés des mines dans la province de l’Ituri. Vous êtes sans ignorer que les efforts sont parfois sapés par certaines forces négatives », peut-on lire dans ce document signé par le Vice-ministre des mines, agissant au nom de sa titulaire qui était, hors pays, en mission officielle.
Cette correspondance du Vice-ministre des mines avait exigé à ces sujets chinois nommés comme points focaux, de se présenter quelques jours après dans son bureau à Kinshasa pour de plus amples information sur leur nomination. Des ordres donnés, ont semblé être ignorés sciemment par l’administration militaire de l’Ituri.
Dans sa lettre de réplique, datée du 21 octobre 2021 et adressée à la ministre des mines, le Lieutenant Général Luboya Nkashama Jonny a plutôt préféré ne pas répondre aux ordres du ministère des mines, mais il lui a plutôt invité à la maitrise de son secteur en Ituri.
« En définitive, en vue d’assainir le secteur minier en la province de l’Ituri, je vous prie de diligenter une mission de contrôle et d’évaluation du secteur minier qui devra lever toute équivoque sur ce dossier et formuler des recommandations pour la bonne gouvernance de ce secteur, selon la vision de son excellence monsieur le Président de la République, Chef de l’État, Commandant suprême des FARDC et de la PNC, dans le cadre de la politique Nationale du secteur telle que mise en œuvre par le Gouvernement de la République » peut-on lire.
Selon le Gouverneur militaire, cette mission interministérielle permettra de savoir comment ces sujets chinois sont parvenus en Ituri car parmi eux certains ne sont même connus par la Direction Générale de Migration, qui les octroie des permis d’exploitation, combien sont-ils, etc.
Il sied de noter que depuis maintenant quelques semaines, cette mission interministérielle reste très attendue.
Pour atteindre des résultats escomptés dans des opérations militaires en province de l’Ituri et parvenir à restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble de République Démocratique du Congo, le gouvernement congolais doit mener un contrôle sérieux et minutieux du secteur minier. Sans doute on y trouve beaucoup d’ambiguïtés qui ne facilitent pas la souveraineté de l’Etat. En outre, l’Etat doit arriver à bien maitriser et contrôler toutes entrées et sorties de son territoire afin de bien identifier les étrangers sur son sol.
Ali Sharif BITHUM