
Nord et Sud-kivu : le MSF alerte sur les viols de guerre
En pleine crise sécuritaire persistante dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les violences sexuelles atteignent des proportions alarmantes. Dans un communiqué publié ce mercredi 11 juin 2025, l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) dresse un tableau accablant de la situation, dénonçant l’impunité totale dont jouissent les auteurs de ces actes, notamment dans les zones sous contrôle des groupes armés, dont l’AFC-M23.
Selon les données recueillies par MSF, entre janvier et avril 2025, près de 7 400 victimes et survivantes de violences sexuelles ont été prises en charge en ville de Goma. Dans la localité voisine de Saké, à environ vingt kilomètres à l’ouest de la ville, plus de 2 400 cas ont également été enregistrés sur la même période. Des chiffres qui traduisent une crise humanitaire silencieuse mais ravageuse.
Les femmes demeurent les principales cibles de ces agressions. De nombreuses survivantes rapportent avoir été abusées au sein même des familles d’accueil ou dans des centres d’hébergement communautaires, souvent en échange d’un toit. « Nous recevons beaucoup de femmes victimes d’abus dans ou autour des maisons de familles d’accueil. Bien souvent, elles sont contraintes à des actes sexuels pour obtenir un logement. Où qu’elles soient, elles ne sont en sécurité nulle part », a déclaré François Calas, responsable des programmes MSF au Nord-Kivu.
Comme les années précédentes, la majorité des agressions signalées en 2025 ont été commises sous la menace d’une arme. L’identité des agresseurs reste difficile à établir, en raison de la multiplication des porteurs d’armes, civils ou militaires, et de l’insécurité chronique qui gangrène la région. Cette prolifération incontrôlée d’armes rend la protection des civils presque impossible.
« À Goma, de nombreuses patientes relatent avoir été violées la nuit, lors de pics d’insécurité. Les agresseurs pénètrent dans les maisons pendant les cambriolages, séquestrent les familles, et dans certains cas, assassinent les maris », poursuit François Calas. Il précise que ces actes sont même commis en pleine journée dans certains quartiers.
Des témoignages glaçants confirment l’horreur quotidienne. Nasha, déplacée interne, raconte : « Des hommes armés sont entrés chez nous vers 22h30. Certains maris ont été tués, des femmes violées. C’est mon cas. Trois hommes voulaient me violer devant mon époux et mes huit enfants. Mon mari a résisté… Ils l’ont tué ».
Dans les zones rurales autour de Goma et Saké, les femmes sont également victimes d’agressions sur les routes ou dans les champs. Rika, une habitante d’un village à l’ouest de Goma, témoigne : « Ils m’ont demandé de choisir entre leur céder mon corps ou mourir. Ils m’ont violée, l’un après l’autre ».
Face à cette crise humanitaire d’une gravité extrême, MSF exhorte les parties prenantes au conflit à garantir la sécurité des civils et à assurer leur accès aux soins médicaux et psychologiques. L’organisation appelle également la communauté internationale à maintenir la prise en charge des victimes comme une priorité absolue, malgré les contraintes budgétaires actuelles.
Cette violence sexuelle systémique ne fait qu’aggraver la souffrance psychologique des populations, déjà accablées par l’insécurité généralisée. Pour MSF, la lutte contre ce fléau doit être menée de manière urgente, avec une réponse coordonnée, à la fois locale et internationale.
Azarias Mokonzi