Condamnation de Matata Ponyo : Un scandale judiciaire dénoncé
Les voix se multiplient pour contester la condamnation de Matata Ponyo, ancien premier ministre de la RDC, par la Cour constitutionnelle dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Poursuivi pour le détournement présumé d’au moins 245 849 413 dollars, l’ancien chef du gouvernement congolais a été condamné à dix ans de travaux forcés, ce mardi 20 mai 2025. En réparation des préjudices, la Cour a ordonné la confiscation de ses biens au prorata des sommes détournées.
La défense du condamné rejette cette décision qui, selon elle, viole intentionnellement la Constitution de la République Démocratique du Congo. D’après Maître Laurent Onyemba, l’un des avocats de Matata Ponyo, cette décision inique reste déconnectée de la vérité du procès.
« On a assisté à la fabrication de chiffres, de faits qui ne cadrent pas avec le droit. Il s’agit d’un procès politique, comme l’a dit mon client. Matata Ponyo n’a pas été jugé selon les règles de l’art. Tous les principes d’un procès équitable ont été violés », a-t-il déclaré.
Un scandale judiciaire
D’aucuns crient à un scandale judiciaire entaché de dérives sectaires. Pour Colin Ngasembere, défenseur des droits humains, cette condamnation marque un recul inquiétant de la démocratie.
« La condamnation de Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés par la Cour constitutionnelle, sans respect de son immunité parlementaire, marque une dérive inquiétante. Quand la justice est utilisée pour neutraliser des voix discordantes, c’est tout l’État de droit qui recule», note l’activiste.
Il précise que sa position ne vise pas à défendre l’homme, mais un principe.
« Nous ne défendons pas un homme, mais un principe : une justice impartiale, conforme à la Constitution, respectueuse des droits humains. La RDC mérite mieux qu’une justice aux ordres. Exigeons la fin de l’impunité, mais avec équité, transparence et légalité », a-t-il fait savoir.
De son côté, Dady Azor, activiste des droits humains et chercheur en droit constitutionnel, évoque un vide juridique dans la motivation de cette décision. Il rappelle que cette affaire renforce la déclaration du président de la République selon laquelle « la justice est malade ».
« Cet arrêt rendu par la haute Cour vient confirmer les propos du président de la République sur l’état de la justice. La deuxième violation concerne le principe sacro-saint du non bis in idem. Sachant que la Cour s’était déjà prononcée sur cette affaire, elle ne devrait plus y revenir. Résultat : elle vient de créer une mauvaise jurisprudence qui sera exploitée par d’autres juges, ici comme ailleurs », déplore-t-il.
Il insiste :
« Je ne défends pas un criminel financier, mais un principe fondamental qui régit la justice. Oui à la lutte contre l’impunité, mais dans le respect des règles de procédure, tant sur la forme que sur le fond».
Il souligne également l’inopportunité de cette décision, dans un contexte national de guerre.
« Sur le plan social et politique, cette condamnation intervient dans une période sensible, marquée par la guerre d’occupation du M23. Alors que les efforts tendent vers la cohésion nationale, le gouvernement choisit de fragiliser cette cohésion. On ne peut consolider la paix à travers une justice sélective, surtout en ciblant les grandes figures de l’opposition. Il faut savoir lire les signes du temps », rappelle-t-il.
Du chantage politique ?
L’opposition, pour sa part, rejette toute motivation judiciaire dans cette affaire et évoque une manœuvre politique qui vise à faire taire les voix dissidentes. Fabrice Saambili, cadre d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, affirme que ce procès est la conséquence directe du refus catégorique de Matata Ponyo de rejoindre l’Union sacrée, plateforme politique soutenant le président Tshisekedi.
Il soutient que « la condamnation de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon par la Cour constitutionnelle n’a rien de judiciaire. Elle relève clairement d’un acharnement politique. Il a été sollicité à plusieurs reprises pour rallier cette famille politique. Son refus ferme de céder à cette pression a scellé son sort. Les poursuites judiciaires n’étaient qu’un moyen de chantage politique».
Il dénonce une instrumentalisation de la justice à des fins partisanes et une violation flagrante de la Constitution, notamment de l’article 107, alinéa 2, qui protège les parlementaires contre toute poursuite judiciaire sans levée préalable de leurs immunités.
« Matata Ponyo est député national. Ses immunités n’ont jamais été levées par l’Assemblée nationale. Pourtant, il a été poursuivi et condamné. C’est une entorse grave au principe de séparation des pouvoirs », insiste-t-il.
Pour lui, cette affaire constitue une monstruosité juridique présentée comme une jurisprudence.
« L’histoire retiendra qu’en RDC, un député national fut condamné par la Cour constitutionnelle en pleine session parlementaire, sans la levée de ses immunités. C’est un précédent dangereux pour l’État de droit», prévient-il.
Cette condamnation intervient dans un contexte où l’opposition dénonce une répression accrue de la part du pouvoir. Elle évoque des procès politiques déguisés en procédures judiciaires pour faire taire les voix dissidentes.
Azarias Mokonzi